Inscription: 26 Sep 2005, 09:46 Messages: 540 Localisation: Punaauia - TAHITI
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Tiens en parcourant un autre site moto - Triumph TIII Passion pour ne pas le nommer - http://www.triumph-t3-passion.info/index.html ; je suis tombé sur un article de Fabien LECOUTRE, Journaliste indépendant pour la presse magazine moto, rédacteur et photographe, voir site http://flatfab.wordpress.com/ et il a écrit un article très intéressant (c'est mon avis et je le partage !!) sur sa vision de la sécurité routière et de la communication politique ... c'est un peu long mais comme on dit plus c'est long ... " Depuis 2000 où elle fut choisie comme « grande cause nationale », la sécurité routière est devenue un enjeu majeur de communication politique… et donc un domaine privilégié de l’entubage permanent. J’ai déjà eu l’occasion de dénoncer à la fois le discours gouvernemental et l’aveuglement des médias généralistes à propos du nombre de deux-roues moteur en circulation, des chiffres d’accidentalité et de mortalité routière, des causes d’accident, du bridage de puissance, etc. L’actualité des mois de janvier et février 2011 donnent encore quelques beaux exemples.
Première info qui m’a fait bondir, la hausse du nombre de morts en janvier 2011. Le 9 février 2011 tombe une dépêche AFP reprise par tous les médias : le nombre des tués sur les routes de France métropolitaine a crû de 21% en janvier 2011 par rapport à janvier 2010. Avec la précision suivante : c’est la plus forte hausse survenue depuis juin 2009. 58 personnes de plus ont trouvé la mort en janvier 2011 par rapport au même mois de l’année précédente (331 tués contre 273 en janvier 2010, selon les chiffres provisoires), soit une hausse de 21,2%.
Cette information a suscité de nombreux commentaires et a servi à étayer l’argumentaire de ceux qui s’opposent au vote d’un « assouplissement » du permis à points (une autre mascarade dont je vais parler plus loin), notamment les associations de victimes de la route et tout particulièrement la Ligue contre la violence routière, représentée par sa présidente Chantal Perrichon, et un de ses fervents soutiens, le professeur Claude Got.
Commençons par l’interrogation la plus évidente: d’où vient l’info ? Transmise par l’AFP, certes, mais venant de qui ? La dépêche cite « une course proche du dossier ». Donc quelqu’un ayant accès aux chiffres de la DSCR (Direction de la sécurité et de la circulation routières), qui relève dorénavant du ministère de l’Intérieur. Et quelqu’un ayant assez de crédit pour que l’Agence France-Presse transmette la dépêche sans chercher d’autre source. Donc une source officielle. Anonyme, mais officielle. Problème : ce chiffre de 331 morts sur les routes en janvier 2011 n’a été officiellement publié que le lendemain, 10 février, à l’occasion d’un déplacement du ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, au péage de St-Arnoult-en-Yvelines, sur le thème de la sécurité routière, qui devait être le motif à l’annonce d’un plan de déploiement de radars supplémentaires (j’y reviens plus loin également). D’où interrogation : quel intérêt pourrait avoir quelqu’un du cabinet du ministre de l’Intérieur à court-circuiter son propre patron en balançant les chiffres la veille de leur publication prévue ? Cela aurait-il quelque chose à voir avec la rapidité avec laquelle la LVCR a embrayé sur cette annonce en hurlant au scandale, comme si leur communiqué était déjà tout prêt ? L’explication la plus logique est qu’il s’agit plutôt d’une séquence établie en concertation entre le ministre et ces associations de victimes de la route afin d’atteindre chacun leurs objectifs, différents mais convergents (voir plus loin).
Seconde interrogation : ces chiffres sont-ils « vrais » ? Non pas que je soupçonne la DSCR d’inventer des morts ou des vivants. Mais depuis 2005, la France applique le même système de recensement des tués sur route que tous les autres pays européens, en comptant les morts « à 30 jours », c’est-à-dire décédés des suites d’un accident de la route sur le coup ou dans les 30 jours suivant cet accident. Une personne ayant subi un accident au 29 janvier 2011 et décédée le 28 février 2011 sera donc comptabilisée parmi les morts de janvier. En toute logique, il est impossible d’annoncer au 9 février le chiffre des tués de janvier. C’est pourquoi la dépêche parle de « chiffres provisoires ». On compare donc un chiffre provisoire de janvier 2011 avec un chiffre définitif de janvier 2010. Scientifiquement, c’est une hérésie, mais passons, dans la mesure où ce chiffre constitue a priori un minimum.
Au fait, quel chiffre ? Dans la dépêche du 9 février au matin, on parle de 320 morts (comme le précise cet article du Monde). Or le lendemain, le ministre de l’Intérieur parle de 331 morts (voir dépêche AFP reprise par Europe 1), mais en maintenant le chiffre de 21% de hausse (21,2%, pour être précis). Bizarre bizarre…
Troisième interrogation : d’où vient cette hausse ? Les usagers de la route français auraient-ils soudainement changé leur manière de conduire ? Comment expliquer cette différence ? Est-elle révélatrice d’une tendance ou est-elle l’exception qui confirme la règle ?
Difficile de répondre de façon certaine : en matière d’accidentologie, une variation des statistiques (à la hausse ou à la baisse) est très souvent multi-factorielle. La météo, par exemple, peut jouer un rôle, mais dans les deux sens : le verglas provoque des accidents, mais réduit le nombre de véhicules en circulation (une partie des gens renonce à prendre la route).
Soyons précis, pour une fois : on parle d’une hausse, donc d’une comparaison entre deux chiffres. Le nombre de tués sur les routes de France a progressé de 21% en janvier 2011 par rapport à janvier 2010. Penchons-nous maintenant sur cette période de référence, c’est-à-dire janvier 2010. A l’époque, le nombre de tués sur les routes s’était élevé à 267 personnes. Soit une baisse de 7,3% par rapport à janvier 2009 (288 tués).
Et que disait-on alors ? Que c’était le deuxième mois le moins meurtrier depuis février 2006 (266 tués) ! A noter que cet heureux record a été battu en février 2010, avec 255 tués. Elle est avant tout là, la raison de cette hausse de 21%. Forte hausse, certes, mais par rapport à un chiffre lui-même exceptionnellement bas.
Comment expliquait-on ce nombre de tués hyper faible en 2010 ? Par les épisodes hivernaux intenses qui auraient engendré une baisse du trafic et un ralentissement de la circulation.
Si on examinait l’évolution de la mortalité routière sur les mois de janvier des 5 dernières années ? 2011 : 320 2010 : 267 2009 : 288 2008 : 338 2007 : 395 La forte mortalité observée en janvier 2011 constitue en fait un arrêt de la baisse, une remontée temporaire (espérons-le). La tendance générale reste à la baisse du nombre de tués.
Quatrième interrogation : à qui profite le crime ?
Ce petit travail de recherche et de contextualisation m’a pris une demi-heure, à partir de données publiques disponibles sur le Net. Tout le monde peut le faire et si mes confrères journalistes des « grands médias généralistes » se donnaient plus souvent la peine de le faire, peut-être publieraient-ils moins de sottises. Mais que voulez-vous ? Faut simplifier, aller au plus court, au plus percutant…
Plus grave : je suis bien certain que les politiques, les « experts » (comme le Pr Claude Got), voire les responsables des associations de victimes de la route l’ont également accompli, ce petit travail de mémoire. Eux ou leurs conseillers. Ils le savent parfaitement. Leur indignation médiatique n’est qu’une affaire de communication.
Et pourquoi ? Tout simplement parce qu’ils en vivent.
Depuis des années (environ 20 ans), le débat sur la sécurité routière a été happé, confisqué, monopolisé par les associations de victimes de la route. Principalement la Ligue Contre la Violence Routière, mais aussi la Fondation Anne Cellier, Victimes et Citoyens contre l’insécurité routière… et j’en oublie ! Selon ces associations, parce que leurs membres ont perdu un proche sur la route, ils deviennent d’un coup des experts de l’accidentologie.
Mais surtout en « trustant » le débat public, en devenant acteurs de la politique de sécurité routière, ces associations reçoivent des subventions qui paient leurs salariés, leur fournissent des moyens, les font vivre. Elles ont donc tout intérêt à dramatiser les choses, à garder le débat actif et intense… quitte à manipuler les médias et l’opinion.
Alors qu’elles devraient plutôt avoir toutes raisons de se réjouir : le nombre de tués sur les routes françaises est en baisse quasi constante depuis 2002 (sauf en 2009). Nous sommes à moins de 4.000 tués par an et nous allons passer sous les 3.000. C’est encore beaucoup, sans doute trop, mais les progrès sont là, et pas seulement grâce à la baisse des vitesses moyennes constatées, elle-même en partie seulement due à l’accroissement du nombre de radars automatiques.
Ah tiens, les radars, parlons-en…
Au lendemain de la publication « prématurée » des chiffres de janvier 2011, grande annonce gouvernementale : « Mille radars supplémentaires vont être installés sur les routes de France d’ici à 2012 et le procès-verbal électronique sera généralisé, a annoncé le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux. »
Tout cela n’est (encore une fois) qu’un effet d’annonce. Il n’y pas de réel lien de cause à effet entre les deux informations : toutes ces dispositions annoncées aujourd’hui par Hortefeux étaient déjà prévues depuis des mois. Vous ne croyez tout de même pas qu’il a dégoté comme ça, du jour au lendemain, les crédits nécessaires à l’achat et l’installation de 1.000 radars supplémentaires ? Tous les crédits ont été décidés en 2009… Tu parles d’un scoop !
Le Parisien du 10 février 2011 précise bien : »Le gouvernement avait déjà annoncé en 2010 l’installation de 800 nouveaux radars fixes d’ici à 2012 (dont 400 en 2011) auxquels s’ajouteront 100 radars tronçons qui permettent de calculer la vitesse moyenne d’un véhicule sur un trajet de plusieurs kilomètres et 90 radars discriminants. » Si on recompte, 800 + 100 + 90 = 1.000 radars. Cela avait déjà été annoncé en 2010.
Et même bien avant. Info du 1er juillet 2009 : »Le contrôle du franchissement de feux rouge n’en est qu’à ses débuts, il est prévu 150 radars aux feux rouges d’ici début 2010 et 1.000 radars de feux rouges à l’horizon 2012. Sur ces 1.000 radars, certains pourraient aussi faire leur apparition à proximité des passages à niveaux, pour voir si les automobilistes respectent le signal de passage d’un train. En 2012, le contrôle-sanction automatisé devrait comprendre 4.500 dispositifs dont environ 2.500 radars fixes, 1.000 radars mobiles et 1.000 radars de feux rouges. »
C’est juste ce qui a été confirmé, rien de plus. La même sauce depuis deux ans, qu’on nous réchauffe chaque année. Il ne s’agit pas de l’annonce d’un plan, mais de la confirmation de mesures déjà décidées qu’on nous ressert comme étant une nouveauté…
Oui, il s’agit bien d’une jolie opération de « manipulation », ou plus exactement de communication politique. Cette séquence illustre exactement la collusion entre ces associations de victimes de la route qui vivent de la manne financière publique et les politiques qui les utilisent pour soutenir leur discours répressif.
Une preuve supplémentaire ? Le soi-disant « assouplissement » du permis à points, objet d’un amendement de la loi dite « Loppsi 2″.
Tout le monde s’est excité sur la réduction du délai de récupération des points, sans voir que celle-ci ne s’applique qu’aux contraventions de 1e, 2e et 3e catégorie, les plus minimes et les moins répandues.
Sont concernées les infractions suivantes : Circulation d’un véhicule non équipé de dispositifs de freinage conformes Changement important de direction sans avertissement préalable Circulation sur bande d’arrêt d’urgence Usage d’un téléphone tenu en main par conducteur d’un véhicule en circulation Non acquittement du péage d’un ouvrage routier Arrêt ou stationnement prolongé au-delà de 7 jours Stationnement à gauche sur une voie à double sens Stationnement payant non réglé
Génial, non ?
Restent soumises au même régime qu’auparavant : Tous les excès de vitesse Conduite en état alcoolique (=0,5g/l et <0,8g/l dans le sang) Refus de priorité Non-respect de l’arrêt au feu rouge ou au stop Circulation en sens interdit Non-respect de la distance de sécurité entre deux véhicules Défaut de maîtrise de la vitesse Circulation à gauche sur chaussée à double sens Dépassements dangereux Franchissement de ligne continue Chevauchement de ligne continue Accélération par conducteur sur le point d’être dépassé Défaut de port de ceinture de sécurité Arrêt ou stationnement dangereux Arrêt ou stationnement gênant ou abusif
A votre avis, lesquelles sont les plus répandues ?
De plus (mais personne n’en a parlé), un article précise que les mesures assouplissant le permis ne pourront s’appliquer qu’« aux infractions commises à compter du 1er janvier 2011 et aux infractions antérieures pour lesquelles le paiement de l’amende forfaitaire, l’émission du titre exécutoire de l’amende forfaitaire majorée, l’exécution de la composition pénale ou la condamnation définitive ne sont pas intervenus ». En clair, cela signifie que dans la pratique, un automobiliste verbalisé en 2008, non encore jugé à ce jour par l’effet de recours dilatoires ou des lenteurs judiciaires, pourra bénéficier d’un délai de 2 ans pour récupérer ses points, alors qu’un automobiliste verbalisé en 2010, qui aura soit payé l’amende, soit reçu l’amende forfaitaire majorée, devra attendre 3 ans pour récupérer tous ses points.
Bref, cela ne change quasiment rien ! Mais on parle d’un « assouplissement du permis à points », ça fait plaisir à ceux qui ne savent pas lire les lignes en petits caractères. Et pendant ce temps-là, on durcit les conditions de rétention et de suspension du permis. Oui ça, c’est un autre article de la loi dont personne n’a parlé.
J’espère que vous avez quelques tubes de vaseline chez vous, parce que d’ici 2012, nous n’avons pas fini d’en avoir besoin… " Édifiant non ? Je sens que je vais prendre des actions chez les producteurs de vaseline !! Mich.22
_________________ En Bretagne il fait toujours beau - En Polynésie aussi
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