Pour notre retour aux salles obscures hier après de courtes vacances, on hésitait entre "Coup de chaud", un thriller français avec Darroussin, et la palme d'or de cette année,
"Dheepan", de Jacques Audiard dont j'avais adoré "Un prophète", couvert de lauriers à Cannes lui aussi. On a choisi Dheepan, dont le scénar était quand même prometteur.
Ca nous conte le parcours d'un guerrier Tamoul (Dheepan) qui cherche à fuir la guerre civile du Sri Lanka, au début des années 2000 je crois, et qui s'associe avec une jeune femme dans un camp de réfugiés. Celle-ci a réussi à se faire passer pour la mère d'une orpheline qu'elle prend avec elle un peu au hasard pour augmenter ses chances d'échapper à l'impasse où elle végète. Ensemble ils débarquent en France et cherchent à se faire passer pour une famille soucieuse de s'intégrer, même si la jeune femme conserve l'espoir de gagner l'Angleterre où elle a un contact familial. Les services d'immigration les casent dans une cité de la banlieue chaude parisienne, où il va leur falloir donner le change, au milieu d'une population cosmopolite bas de gamme. Un monde interlope (Tihocan tu sais ce que je veux dire

) de petites frappes, de dealers à la petite semaine, de voyous organisant leur vie à la recherche de l'argent facile. Dheepan veut tirer un trait sur son passé douloureux, mais ce passé cherche à le rattraper.
Avec ce film on en a pour ses sous : Audiard nous livre un "deux en un" et c'est peut-être à nous de choisir dans le récit celui des deux genres qui nous convient le mieux. Les deux premiers tiers, assez paisibles somme toute, nous rendent les protagonistes familiers. Leur tortueuse tentative pour faire illusion autant aux autres qu'à eux-mêmes en fait des personnages complexes et attachants. Il faut d'ailleurs saluer la performance des acteurs dont je ne fais pas l'effort de chercher à retenir les noms à rallonge (honte sur moi !), qu'il s'agisse de celui qui crée Dheepan ou de celles qui incarnent les personnages de sa femme et de sa fille. Tous sont excellents. Dans le rôle d'un chef de gang local tout juste sorti de prison, Vincent Rottiers m'a paru aussi plutôt crédible, en petit caïd enfermé dans sa posture pour sauver la face sans toujours y croire. Cette première partie, la plus longue, a ceci d'inquiétant que les incursions épisodiques de son passé de guerrier dans le cheminement intérieur de Dheepan, s'il essaye de les refouler ou d'y échapper de toutes ses forces, on sent bien qu'elles n'ont pas dit leur dernier mot. De même, la montée très progressive de la tension entre les voyous de la cité où ont atterri nos trois "étranges étrangers", on sent bien qu'elle va aller vers un paroxysme.
Et donc l'explosion du dernier tiers, on la voit venir parce qu'on s'attendait à un basculement. A la limite, on la désirait comme une libération. Pourtant, elle elle nous saute aux yeux et crée quand même la surprise. Le film change de registre et ça dépote, pas à dire c'est du brutal. Mais je n'y ai pas cru. Car le dénouement, que je ne dévoilerai pas, lui fait perdre toute crédibilité. Enfin c'est ce que j'ai ressenti. A cause de ce qui m'apparaît comme une invraisemblance finale, donc, "Dheepan" c'est un peu "Banlieue 13" qui aurait enfilé un costume de docu trop étroit, lequel costume finit par craquer. "Y a quequ'chose qui cloche là d'dans" mais c'est pas comme dans la chanson : j'ai pas envie d'y retourner immédiatement.
Audiard m'a donné l'impression d'avoir pété un câble en cours de tournage. D'avoir perdu le fil. Autant "Un prophète", magnifique de cohérence, m'avait scotché, autant ici je suis resté dubitatif. Je ne vais pas dire que j'ai détesté, mais je ne comprends pas que la palme d'or soit venue couronner ce film inégal.
Si j'avais su j'aurais essayé "Coup de chaud". Mais à vous de voir...