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"Le sel de la terre" : le poids des mots, le choc des photos
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Auteur:  monomental [ 25 Déc 2014, 21:17 ]
Sujet du message:  "Le sel de la terre" : le poids des mots, le choc des photos

Décidément, on s'entête. Ce middle-week-end aura été marqué au sceau de l'ethnocinoche, avec ce soir un autre opus par lequel Wim Wenders signe magistralement son retour au public après une longue absence, par un film dédié à sa rencontre avec le photographe brésilien Sebastiao Salgado. Une belle personne, pour le moins.
"Le sel de la terre" est construit comme un tremplin de saut : la première partie nous fait connaître la naissance d'une vocation de photographe, l'ascension d'un artiste vers des sommets médiatiques, mais en fait sa descente aux enfers à mesure que les thèmes qu'il se choisit le poussent vers une chute effroyable, dont le point de non retour est sa plongée dans les massacres et les exils du Darfour.
Epuisé moralement (et physiquement !) d'avoir utilisé son talent de regardeur pour témoigner de la folie destructrice de l'homme (sécheresse et famine au Sahel, main de l'homme industrieux façonnant l'industrie, exils des peuples chassés de chez eux par la modernité...) il revient vers ses racines brésiliennes et s'installe sur la ferme paternelle nichée au creux d'une vallée qu'il a connue luxuriante au temps de son enfance. Mais les arbres ont disparu, la sécheresse là aussi dicte sa loi depuis longtemps, la vie semble condamnée à disparaître.
Alors le film bascule vers une réelle ascension, comme un envol. Epaulé par sa fidèle ( et forte) femme qui lui donne des raisons de s'accrocher à l'espérance, il s'appuie sur elle pour tenter et réussir un repeuplement forestier de son biotope, pendant qu'il commence une série d'ouvrages consacrés à ce que la planète a pu sauver de nos prédations. Monde animal, nature préservée, il appelle ça "Genesis". L'émotion négative cède le pas, la beauté installe sa puissance et avec elle renaît l'espoir.

Bon Dieu c'est encore plus fort que Timbuktu, je crois. Le texte dit en voix off par les belles voix de Wenders, de Salgado et de son fils souligne des séquences-reportages et des photos toujours époustouflantes, au regard des critères esthétiques comme à celui du choc émotionnel qu'elles provoquent. Accrochez vous braves gens. Le cinoche est un art utile, pour sûr !

Auteur:  Via [ 06 Jan 2015, 00:59 ]
Sujet du message:  Re: Le poids des mots, le choc des photos

Inconditionnel de Wenders de longue date, j'ai été perplexe sur son choix de faire un film sur Salgado et son œuvre. La vision du film ne m'a pas fait changer d'avis. Ce qui me gêne chez Salgado c'est sa façon de faire des images magnifiques de choses abominables... cette maîtrise de l'esthetisation du malheur. Je ne comprends pas que Wenders ait collé à cela, mais un truc doit m'échapper.
Dans le genre, je l'ai trouvé beaucoup plus inspiré avec le fameux "Buena vista social club" et plus récemment le splendide "Pina".
Mais ce n'est que mon avis.

Auteur:  monomental [ 06 Jan 2015, 14:06 ]
Sujet du message:  Re: Le poids des mots, le choc des photos

Après avoir vu ce film et balancé à chaud mon post enthousiaste, je suis allé lire deux trois trucs sur Salgado sur internet. J'ai vu que en effet, des critiques lui avaient été faites de mettre en scène esthétiquement l'horreur ou la démesure humaine... J'ai lu la réponse qu'il adresse à ses détracteurs, comme une sorte d'excuse, en évoquant son enfance très catho et le sens du pathos que les cérémonies de son enfance avaient gravé de façon indélébile dans son jeune esprit. J'accepte cette justification, ayant moi-même connu une éducation influencée par les fortes convictions religieuses de mes parents...(Convictions que je respecte sans les avoir adoptées : sceptique puis résolument agnostique, je me suis dit que les religions savaient y faire pour façonner les esprits ! :mrgreen:)

Quant au reproche qu'on peut lui avoir fait aussi d'utiliser les financements de la plus grosse compagnie minière d'Argentine pour mener à bien ses derniers projets, compagnie d'ailleurs responsable de pollutions catastrophiques, il me paraît par contre plus fondé. Même si Salgado soutient qu'après tout, seul compte le résultat, à savoir le repeuplement forestier de l' immense domaine que son père lui a légué à sa mort. (Après l'avoir exploité sans aucun souci des conséquences de ses pratiques agricoles forcenées, dans les sixties et sous la dictature des colonels qu'a fuie le fiston...)
Effectivement cet aspect des choses n'apparaît pas dans le film ! :roll:

Auteur:  Via [ 07 Jan 2015, 17:06 ]
Sujet du message:  Re: Le poids des mots, le choc des photos

Tu as raison et tous les travaux de Salgado ne sont pas à mettre dans le même panier, notamment ses photos de la mine d'or de la Serra Pelada que je trouve exceptionnelles à plus d'un titre.
Quant à Win Wenders, le premier qui trouve "Jusqu'au bout du monde" en dvd sous titré français aura droit à ma reconnaissance éternelle. Je l'ai en VHS mais mon magnétoscope commence à coincer, certainement une soupape...

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