"Suzanne", la chanson de Cohen, vous connaissez ? "Suzanne t'emmène / Ecouter les sirènes" etc etc...
Ma moitié aimait bien sa grand-mère qui s'appelait Suzanne, et nous deux on aimait beaucoup la chanson. On a donné ce joli vieux prénom à notre deuxième fille. Malheureusement, dans le "Suzanne" de Katelle Quillévéré, qu'on est allés voir ce soir, c'est la version de Nina Simone qui termine le film, et ça, ça m'a foutu les boules grave. Seule fausse note de cet excellent film, à mon goût. J'aime pas cette version. Je vous raconte pas la montée d'émotion à côté de laquelle on s'est senti passer, vu que si elle avait eu la bonne idée, Quillévéré, de terminer son histoire par la ballade mélancolique de Cohen, je crois que tous les spectateurs seraient restés jusqu'à ce que les lumières se rallument, pour qu'on ne voie pas leurs yeux humides et leur nez qui coule
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A part cette faute de goût, pas à dire y a rien à jeter de cette histoire triste et somme toute ordinaire, mais si vraie. Rien à jeter justement parce qu'elle sonne vrai, qu'elle donne à voir des gens de rien qui sont tout. Des petits qui sont grands à force de se battre pour l'amour jour après jour, avec leurs fêlures, leur banalité ou leur folie, sans juger, sans compter.
Sarah Forestier crève l'écran, elle a investi à fond son personnage de femme enfant qui aime jusqu'à la déraison, jusqu'à se perdre. Je comprend maintenant l'émotion qu'elle avait du mal à contenir, me semblait-il, quand elle faisait sa promo chez Ruquier samedi dernier.
François Damiens assure un max aussi, en père qui donne envers et contre tout, qui renonce à presque tout sans rien dire. Lui le déjanté des caméras cachées, dans ce rôle à contre emploi il atteint là la classe d'un Coluche dans "Tchao pantin". C'est la marque des grands de pouvoir rester crédible dans tous les registres.
Mention bien à Paul Hamy, le voyou irresponsable qui tire la couverture à lui, mais sans jouer les machos en fait.
Supernanas aussi Adèle Haenel, la grande soeur, et la toujours juste Corinne Maziero, en avocate bourrue mais efficace et impliquée.
Un film taiseux et sobre, résolument construit sur le jeu d'acteurs habités plus que sur les mots, un film tout simple, même pas larmoyant, qui fait mouche.