Dupontel se lance dans l'adaptation de "Au revoir là haut", livre magistral de P.Lemaître primé par un Goncourt des lycéens. Je l'ai lu et ça m'avait bien secoué, donc je me demandais ce que mon cher Dupontel pouvait bien en avoir fait. Ca raconte l'histoire de deux copains des tranchées rescapés de la grande guerre et inséparables, dont l'un, surdoué en dessin, s'en tire avec une gueule cassée. Désabusés et revanchards, ils montent une arnaque aux monuments aux morts qui commence par bien marcher. Qui commence seulement... Un coup de (Le)maître, assurément, merci Mr Dupontel ! L'esprit du livre est conservé et c'est essentiel car le bouquin vaut le détour. Mais ne craignez rien, votre imaginaire ne sera pas bloqué si vous souhaitez découvrir le livre après en avoir vu cette magnifique adaptation. Car ici, si l'esprit du livre est conservé, on est dans le registre du visuel d'abord, et un visuel sobre de mots. Ici, soyez-en sûrs, l'essentiel n'est pas invisible pour les yeux, tant les décorateurs et créateurs de tous poils s'en sont donné à coeur joie. Un bonheur ! Passée la séquence d'intro jusqu'au déferlement de la mitraille, où le réalisme de la violence guerrière ne nous épargne pas, on plonge dans un mélange d'ambiances à la Jeunet mâtinées de délires art-déco qui sont une vraie jubilation. Voir et ressentir, tout est là et tout est dit : plaisir des yeux et lâcher-prise des émotions, dans lesquelles le dégoût de la noirceur humaine le dispute sans cesse à l'attachement pour l'amitié envers et contre tout, dernier rempart à l'absurdité du monde "civilisé". Les deux heures passent à toute allure et on en redemande vers la fin, quand la scène des retrouvailles, même si elle est moins désespérante que dans le livre, fait monter un élan que je garde au coeur. Du grand art ! Ô le regard d'Edouard derrière son masque magnifique ! Le temps de digérer, je reverrai tout ça sans hésiter, tant j'ai l'impression d'avoir laissé passer des trésors, subjugué que j'étais par ce foisonnement enthousiaste, par le désespoir généreux qui en irradie...
_________________ "Y a une route c'est mieux que rien Sous tes pieds c'est dur et ça tient" Gérard MANSET
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