Intéressante la discussion sur le forum SCCF, merci PanBreizh
En particulier le "pavé" de JBT
http://www.side-car-club-francais.com/f ... 24#p113135Citation:
par JBT » Ven 20 Mar 2020 10:09
Personne ne s'est posé la question, puisque la plupart ignorent qu'il existe des side-cars...au mieux pensent ils qu'il suffira de les détacher pour passer le CT!
Des arguments anti-CT, il y en a des tonnes, les arguments pour se limitent à : "puisque les voitures y ont droit ya pas de raison que les motos y échappent".
On m'avait demandé ailleurs un petit topo sur l'histoire du CT moto pour les nuls, j'en profite pour le glisser ici, tu trouveras tous les arguments contre:
S'il faut reconnaître une qualité au contrôle technique des motos, c'est pour le moins son opiniâtreté. C'est la 6e fois en une quinzaine d'années que cette mesure est annoncée par le gouvernement, sous couvert de sécurité, bien entendu, puis abandonnée devant le constat de son ineptie.
« Rhô, quand même, rétorque ma boulangère, les motos elles font du bruit, et pis ya pas de raison que les voitures y passent et pas les motos ! »
Certes, ma boulangère à l'ouïe fine, mais devrait se pencher un peu plus attentivement sur le problème...
Tout d'abord, sur les raisons qui le ramènent sous les feux de l'actualité: "c'est l'Europe qui l'impose!" Certes il existe bien une directive européenne, 2014/45/UE, très largement inspirée par le lobbying opiniatre de Dekra. Cependant, cette directive précise que les états membres devront mettre en place un CT pour tous les deux roues motorisés...sauf s'ils ont pris des mesures permettant de faire baisser la mortalité. Tiens donc...ne voilà pas une vertu affirmée des 80 kmh?
Bien entendu, c'est un argument sécuritaire qui est mis en avant : le CT permettra de réduire le nombre d'accidents. C'est sûr, puisqu'on le dit.
Et c'est là que le bât blesse : le rapport MAIDS(Motorcycle Accident In Depth Study), une étude européenne sur l'accidentologie des deux roues motorisés d'envergure a donné lieu à un rapport publié à partir de 2005 qui décortique un millier d'accidents de motos survenus dans plusieurs pays européens. Le rapport en question, qui pourfend quantité d'idées reçues concernant les accidents de moto, met en particulier l'accent sur la fréquence des accidents liés à une défaillance technique : moins de 0,5%.
Ramené au niveau de notre beau pays plein de virages, ça revient à dire qu'une fois tous les deux ans, un motard se tue à cause d'un défaut technique de sa moto.
De quoi imposer à tous les autres un contrôle technique ?
Pas vraiment, surtout si l'on analyse de façon un peu plus approfondie les données de cette étude, qui permettent de préciser que ce malheureux décès biennal se produit à cause d'un pneu usé, utilisé sous la pluie.
Est-ce que ça mérite un CT obligatoire pour tous, ou simplement un Darwin Award ?
Par ailleurs, la confédération française des experts en automobile (CFEA), a expertisé en 2014 plus de 4500 deux-roues motorisés accidentés. Nombre de défauts techniques relevés: zéro. Les seules non-conformités constatées concernent des échappements non-homologués (qui, on le sait, sont un grave facteur d'accidents!)
Vient ensuite l'argument de l'harmonisation européenne : « C'est pas nous, c'est l'Europe qui l'impose ».
Pas vraiment...en fait, l'Europe a proposé à tous les Etats de mettre en place un CT pour tous les véhicules, après une consultation publique de laquelle il ressortait déjà l'absence de lien entre accidentologie et état technique des deux roues motorisés. D'ailleurs, lorsque l'Italie, l'Espagne, la Suède ou la Slovénie ont mis en place spontanément ce CT, on a constaté immédiatement...une hausse des accidents de motos.
Sans doute dû à l'absence totale de corrélation entre les deux.
Dans les pays européens qui ont mis en place un CT pour les motos, on constate également qu'ils ne résolvent en rien les nuisances habituellement reprochées aux motards : remonter un silencieux homologué pour passer le contrôle prend 5 minutes, soit autant de temps que pour le re-déposer une fois la formalité effectuée...
Car les motards sont bricoleurs, et le restent, malgré l'émergence récente d'une catégorie de motomobilistes en scooter à trois roues, à l'attitude très consumériste issue du monde des boitaroues. Une moto, c'est relativement facile d'accès par rapport à une voiture, ça fait partie de la culture moto de l'entretenir, le permis moto comprend une partie visant à vérifier que le conducteur est capable d'effectuer lui-même les vérifications de sécurité essentielles. en émergent parfois des trésors de créativité et d'ingéniosité dans les transformations appliquées aux motos, et, effectivement, ça peut aboutir à des configurations pas très orthodoxes selon le goût et les capacités du préparateur solitaire. Et l'instauration d'un CT moto est vécu par beaucoup comme une tentative mortifère de normalisation ou d'anéantissement de leur passion.
Dans certains pays, on peut rouler en Solex avec un moteur de locomotive si tant est qu'on respecte le Code de la Route ; dans d'autres il est possible de soumettre les modifications effectuées à un organisme charger de les valider, et de rouler ainsi en règle. C'est le cas du TüV en Allemagne. En France aussi, ce sont les DRIRE (ex-Service des Mines) qui sont chargées de le faire. Enfin, en théorie, parce qu'en pratique, se présenter devant ce service pour faire évaluer ou homologuer une modification relève de la mission impossible : la demande est par principe rejetée comme non recevable dans la majorité des cas, et si on consent à l'examiner, c'est après l'achat d'une certification auprès d'un organisme privé. La démarche coûte globalement le prix de la moto. Autrement dit, se contentant de fabriquer des parapluies à usage interne, ce service public encourage les modifications hasardeuses en décourageant celles réalisées dans les règles de l'art.
C'est à mon sens dommage, car si on compare la situation actuelle avec celle des années 80, l'absence de normalisation excessive permettait à quantité d'artisans de vivre de leur fabrication : cadres, échappements, carénages, valises, etc. A force de réglementation, tout ce vivier d'emplois à disparu, et l'offre actuelle n'est composée que de produits industriels d'importation. On comptait à l'époque une quarantaine de fabricants de side-cars en France : il en reste 4 aujourd'hui. Combien d'emplois détruits à cause de cette réglementation sans cesse plus contraignante, ne favorisant que les grosses industries ayant les capacités de s'y soumettre en échange de promesses de créations de postes jamais tenues ?
« Mais bon, quand même, ma Clio, quand elle passe le contrôle, je me sens plus en sécurité, moi ! » rétorque ma boulangère en interrompant ma rêverie, sans redouter qu'un jour elle soit obligée de soumettre l'épaisseur du glaçage de ses éclairs à l'Inquisition.
Et pourtant le CT automobile, lui-même a eu un impact très limité sur l'accidentologie. En fait...il n'en a pas eu du tout.
Ce n'est pas moi qui l'affirme, mais le rapport 004620-01 d'une mission du Conseil Général des Ponts et Chaussées de 2007 chargé d'étudier la mise en place d'un contrôle technique des deux-roues motorisés pour le compte du Ministère des Transports, qui recèle une pépite de mauvaise foi dans son préambule « Bien que le lien de causalité entre accidentologie et état du parc ne soit pas clairement établi, elle (la mission) considère que des véhicules dont les fonctions de sécurité sont en bon état, parce que bien entretenues, sont nécessairement moins accidentogènes.
Comprenez : « Ca sert à rien, mais on va le faire quand même pour les motos".
Autre reconnaissance « officielle » de l'ineptie du CT comme facteur de sécurité, l'épisode dit de « la fessée du Sénat à DEKRA » en octobre 2012.
DEKRA, leader européen du contrôle technique, aimerait bien qu'il soit étendu aux motos, histoire de rafler un marché estimé à 1,5 milliards d'euros annuels. Et publie en 2010 son propre rapport, le « Dekra Motorcycle Road Safety Report » dans lequel il affirme que 8% des accidents de motos sont dus à une défaillance technique, puis s'en va lobbyer gaiement la Commission Européenne afin qu'elle impose aux membres récalcitrants de se faire coller la vignette sur le garde boue sans broncher.
Surprise : le Sénat, pourtant pas réputé être un repaire d'insoumis motorisés (sinon en Stannah) réagit et bloque la mesure le 4 octobre 2012 par le biais de sa Commission des affaires européennes, ne gobant visiblement pas le rapport pré-maché fourni par la Commission Européenne et préférant s'appuyer sur MAIDS dont il reconnaît l'indépendance « De façon générale, aucun lien ne peut être établi entre une réduction du nombre d’accidents et l’introduction du contrôle technique sur les motocycles. » peut-on lire dans le rapport présenté par le Sénateur Jean François Humbert, qui au passage souligne les données partiales fournies par le principal intéressé à la mise en place d'un CT moto et en remet une couche sur l'absence de lien entre état technique et accidentologie. Et pour faire bonne mesure, rejette aussi le passage à un rythme annuel pour le CT auto, lui aussi recommandé par la Commission Européenne, avant de terminer par, en substance, un « lâchez-nous les bottes jusqu'en 2022 avec cette histoire ».
Alors, pourquoi un CT moto ?
Protection du consommateur? Du vent, si j'en juge par la voiture que je viens d'acheter munie d'un CT valide en bonne et due forme, et qui a parcouru plus de distance juchée sur le plateau de dépannage que sous mon séant depuis.
Il existe déjà tout ce qu'il faut pour protéger l'acheteur d'un véhicule d'occasion, que le vendeur soit un particulier ou un professionnel. Certes, recourir à la DGCCRF est parfois long tant cette administration a souffert des suppressions de postes (merci qui?), mais tous les contrats d'assurance comprennent une protection juridique très efficace pour régler les litiges rapidement.
Un particulier qui vend une moto est extrêmement contraint par la législation concernant la garantie de conformité du véhicule au type homologué: tout certificat de cession comprend la mention de cette garantie et fait foi en cas de litige...
Un professionnel l'est également, mais il est également contraint à assurer la sécurité du véhicule en tant qu'homme de l'art. « Comme le charcutier ? » intervient ma boulangère.
Savoureux constat: la précédente tentative d'imposer un CT moto a été abandonnée...à la demande des professionnels du CT, lorsqu'ils ont constaté qu'il était impossible d'être rentable sur le plan économique étant donné le peu de volume de véhicules concernés.
Alors à quoi ça sert un CT moto?
A continuer à jeter de la poudre au yeux pour pas un rond en communiquant sur l'action ferme du gouvernement pour la sécurité routière. Ca, au moins, c'est incontestable.
Le problème est que communiquer n'est pas agir, que cette mesure n'aura pas la moindre efficacité, et qu'en plus, mesurer cette efficacité reste un problème jamais résolu: personne n'est capable de dire combien de motos circulent en France. L'ONISR applique au parc moto un raisonnement de vieillissement qu'il applique au parc auto, qui se termine rapidement par une mise à la casse. Or la vie d'une moto est, sauf accident, beaucoup plus longue que celle d'une voiture, on la range dans un coin du garage le temps d'élever les gosses et on la ressort 15 ans après, la mise à la casse est exceptionnelle tant la restauration et le recyclage sont faciles, et donc répandus.
2 millions ? 3 millions ? 4 millions de motos? Personne n'est capable de le dire précisément. Mais cela aurait un impact important sur les taux de décès, leur décompte étant, lui, fiable et fixe.
Autre facteur à prendre en compte : le kilometrage annuel moyen d'un deux roues motorisé est inférieur à 3000 km, contre 17000 km pour une automobile, 32000 pour un PL ce qui n'entraîne évidemment pas la même usure.
Un pneu moto dure en moyenne 5000km: ça signifie que tous les 5000km, il devra être changé et que sera vérifié au passage, soit par un pro dans la majeure partie des cas, soit par le propriétaire s'il s'en charge, l'état des freins, des roulements, de la transmission. Un pneu auto dure 50000km...
La perception technique d'un défaut est immédiat en moto, dont la conduite repose sur l'équilibre, et impose de faire corps avec la moto alors qu'une voiture peut être utilisée sans rien détecter d'un défaut éventuel du fait de l'isolation et de la passivité qu'elle implique dans sa conduite.
Enfin, un CT étant effectué sans aucun démontage, il ne permettrait pas de contrôler autre chose visuellement que ce que n'importe quel motard est capable de faire- et a appris à faire, pour rappel, en passant le permis!).
Ca sert vraiment à rien, alors un CT moto? Même pas à épurer le parc roulant pour favoriser la vente de motos neuves? Pas vraiment...et même au contraire. Naturellement,le parc s'épure par cette facilité de recyclage qui existe déjà, la sociologie des utilisateurs de 2 roues n'est pas rationnelle, l'achat d'une moto neuve s'accompagne souvent de la conservation sentimentale de l'ancienne, et réduire leur pouvoir d'achat en imposant un CT va difficilement dans le sens d'une incitation à l'achat de neuf...
Donc, alors, ça sert vraiment à rien, le CT moto?
Bin non.
C'est usant de devoir se mobiliser et manifester pour le ré-expliquer tous les 2 ans, mais c'est payant puisque c'est à chaque fois annulé.
Petite parenthèse ; il est à noter qu'en parallèle des mesures répressives adoptées par le CISR, le gouvernement a mis fin au bridage des motos à 100cv, au grand bonheur des frustrés de la liberté de pouvoir utiliser une moto qui dépasse de loin leurs capacités ou celles du réseau routier, avant d'abaisser la vitesse à 80kmh sur la majorité du réseau.
Certes, là aussi, il n'y a pas de lien direct entre puissance et accidentologie.
Il y a toutefois matière à s'interroger sur la schizophrénie de la superposition de ces annonces : d'un côté, on empile les mesures « de sécurité » et de répression en multipliant les contrôles et obligations, de l'autre on autorise la commercialisation de motos de presque 200cv, sachant que le réseau routier ne permet presque jamais d'en utiliser la moitié, ne serait-ce que sur la voie d'accélération d'une autoroute. Compte tenu des lois immuables, elles, de la physique, il faut déjà atteindre une certaine vitesse pour arriver à faire passer plus de 100cv au sol. A titre d'exemple, une routière sportive de 300kg embarqués, qui roulerait en 1e vitesse, pourvue de pneus sportifs offrant une bonne adhérence, a besoin de rouler déjà à 83 km/h pour pouvoir passer plus de 100cv sans se cabrer ou patiner.
Heureusement, le marketing technologique est là pour résoudre ce paradoxe, et propose désormais des systèmes de gestion intelligente de la traction, qui...réduisent la puissance en cas de patinage pour ne pas dépasser les lois de la physique.
Bon, me dirait ma boulangère, après tout, ça n'est qu'une histoire de motards, ça, je m'en fiche, et pis cette manifestation, là avec la FFMC, ça fait du barouf quand même !
Pas seulement...
Ce qui est en jeu ici, c'est aussi une question de défense de sa propre responsabilité citoyenne, censée être exercée individuellement tout en étant encadrée, vérifiée, et réprimée le cas échéant par l'Etat, contre l'abandon de cette fonction au profit du secteur privé. Et on vient de voir ce que ça donne avec VW ou Boeing lorsqu'un état fait confiance au secteur privé pour respecter la réglementation...
C'est le refus de subir encore une complication de plus dans la vie quotidienne déjà abondamment complexifiée, une injonction consumériste qui n'est pas motivée par un besoin de sécurité mais par un appât du gain qui, au passage, sert de faire-valoir à la communication gouvernementale.
Cette manif de motards en colère devant la vitrine de ma boulangère relève certes du folklore potache motocycliste, mais ne fait finalement pas plus de bruit qu'une victoire de match de foot, qui arbore pourtant quantité de drapeaux tricolores sans pour autant revendiquer les valeurs qu'ils symbolisent. Le mythe fondateur de la contestation motarde fut la volonté de leur appliquer la vignette automobile en 1979. Depuis, ils restent les derniers des Mohicans à résister contre l'imposition de mesures injustifiées, et à remporter leurs combats, contrairement aux automobilistes qui semblent soumis à l'infini.
JBT