Dans "La taularde", Audrey Estrugo nous raconte l'arrivée en prison de Mathilde, une prof de lettres accusée de complicité dans l'évasion de son compagnon, un extrémiste-braqueur. En détention en attendant son procès, elle fait connaissance comme nous avec le monde inquiétant de la prison pour femmes. Investie dans son rôle, Sophie Marceau réussit assez bien sa métamorphose : passé le premier quart d'heure, son étiquette estampillée "sex-symbole-bourgeoise-branchée" disparaît, malmenée par le passage à la machine carcérale... Investie dans son rôle de dénonciatrice du scandaleux marasme où croupit le monde de la prison, Audrey Estrougo réussit assez bien son coup : elle nous en fait voir autant qu'à ses taulardes confrontées à la promiscuité, aux pannes de douches, aux coupes budgétaires à cause desquelles même le papier hygiénique fait parfois défaut dans les cellules miteuses, au suivi médical approximatif, à la violence pas toujours contenue, enfin à tout ce qui rend le quotidien invivable dans les prisons pour femmes, et dont on ne parle que rarement dans les médias. C'est donc un message utile autant qu'alarmant qu'elle balance... L'ennui c'est que le scénario sur lequel elle s'appuie souffre d'un peu de flou, et que certains personnages y perdent de leur crédibilité. Celui d'Anita (Anne Le Ny) est dans ce cas : le rapport qu'elle installe vénalement avec la pauvre Mathilde (S.Marceau) est important, mais sa personnalité floue et vicieuse est si grossièrement ébauchée que les scènes de violence du film, dont elle est finalement à l'origine, paraissent presque plaquées. Non pas ratées, loin s'en faut, mais placées là comme à des fins didactiques d'information. D'ailleurs même pour ce qui concerne Mathilde, cette (petite)réserve me semble de mise : le côté sommaire dans l'évocation de son passé et de la cavale de son mec nuit à l'épaisseur du personnage... Au final, quoique les parcours individuels des protagonistes ne soient visiblement pas le sujet de ce film coup de poing, c'est assez pour m'empêcher de lui mettre quatre étoiles. Mais la qualité des acteurs et l'importance du message valent plus de trois. Total, trois étoiles et demi, du coup. Forcément.
_________________ "Y a une route c'est mieux que rien Sous tes pieds c'est dur et ça tient" Gérard MANSET
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