"Le médecin de famille", c'est le titre du dernier film qu'on a essayé, ma moitié et moi, parce qu'ils ne passaient plus "La marche", celui qu'on avait repéré mais qui a disparu de l'affiche cette semaine. Lucia Puenzo, une réalisatrice argentine, a fait ce film difficile à classer au point de vue genre : film historique ? Thriller ? Etude psychologique ? Un peu de tout ça peut-être, mais pas délibérément. C'est sans doute son principal défaut, de ne pas choisir un registre. Ou c'est une qualité, c'est selon. L'ambiance pourrait devenir très inquiétante, qu'on en juge : sur une route déserte de la Patagonie argentine, une famille heureuse voyage dans les années 60 vers l'hôtel que les parents ont décidé de remettre à flot, au pied des montagnes proches. Le père dans la force de l'âge, la mère aimante, enceinte, un minot de 5/6ans, un ado et une fillette d'environ 12 ans, épanouïe et hardie mais trop petite pour son âge. Rase campagne grandiose, ciel plombé de pluie menaçante, courte halte. Un étranger en profite pour nouer un contact amical avec la fillette, puis demande au père la permission de les suivre dans sa belle Chevrolet pour ne pas se perdre. La pluie d'orage se déchaîne jusqu'à l'étape forcée dans une ferme isolée où tout ce petit monde trouve refuge auprès du patron, sur ses gardes mais accueillant. Elégant, raffiné et prévenant, l'étranger entre en relation avec la famille, une estime semble poindre. Mais quelque chose retient le père de se livrer sans retenue. Pourtant le couple accepte de prendre pour premier client ce médecin friqué qui parle bien espagnol, quoique sa langue maternelle soit l'allemand. Il s'installe donc à l'hôtel, assez proche de son travail dans la petite ville voisine. Le film nous raconte les manoeuvres de séduction du médecin vis à vis du couple, dans le but de tester sur leur fille un protocole de stimulation hormonale afin qu'elle grandisse. On s'inquiète de sa duplicité, parce qu'il convainc la mère de cacher à son époux son projet, qu'il garantit pourtant sans danger. C'est un homme très habile, à la fois séduisant et inquiétant. On le sent mais on ne sait pas trop pourquoi, un peu comme le père qui ne se lâche jamais sans réserve avec lui. (L'acteur, un certain Alex Brendemühl, excelle à distiller l'étrangeté du personnage). Excellent observateur, il avait repéré que madame était enceinte, l'ausculte pour constater qu'elle attend des jumeaux et lui prescrit un traitement de "vitamines" pour qu'elle garde la pêche jusqu'au terme. De proche en proche pourtant, la méfiance du père se précise, jusqu'à une hostilité avérée quand les jumeaux naissent avant terme, et l'hostilité perdure malgré l'implication du toubib à tenter de les sauver. Il a raison le père. Ce (trop) gentil médecin un peu (si peu !) manipulateur, qui remplit des tas de carnets de croquis inquiétants de foetus, d'anatomies en gestation ratées, de formules de génétiques, n'est autre que Joseph Mengele, le tristement célèbre médecin qui faisait à Auschwitz des expériences scientifiques discutables (pour le moins) sur les détenus. Tout ça se passe dans une nature dont la grandiose beauté est impossible à négliger. La photo nous en met plein les yeux, mention spéciale pour les techniciens image. On a bien aimé ce récit tiré de faits réels, mais je ne peux pas dire que j'ai plongé dans l'angoisse autant que je m'y attendais. Le rythme tente de s'accélérer sur la fin, que je vous laisse le soin de découvrir si le coeur vous en dit, mais je reste sur les réserves que j'émettais au début de mon topo. A vous de voir.
_________________ "Y a une route c'est mieux que rien Sous tes pieds c'est dur et ça tient" Gérard MANSET
Dernière édition par monomental le 11 Mar 2016, 12:23, édité 3 fois.
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